L’ART VIENT À VOUS N°14

ROUGEMONT
Volume, 1967

guy de rougemont - volume 1967

ROUGEMONT
Volume, 1967
Aluminium & laque
H 150 x L 80 x P 50 cm
Pièce unique
Galerie Diane de Polignac, Paris

ROUGEMONT, « CAVALIER SEUL »

L’artiste peintre Rougemont est à la croisée des chemins, au carrefour des tendances artistiques de la seconde partie du XXe siècle. À la frontière du Pop Art et du Minimalisme, son œuvre est à l’image de son souhait : un art ouvert à tous, un art pour tous, une démocratisation de l’art. Dès lors l’œuvre du peintre Rougemont envahit espaces privés et espaces publics, sort des institutions culturelles pour peupler les villes et leurs périphéries : ce sont les « environnements » de Rougemont qui marient l’art à l’architecture, l’art à l’urbanisme, tels l’environnement pour l’autoroute de l’Est A4 ou ses Totems et autres sculptures monumentales qui se dressent aux quatre coins du monde : à Paris, à Villeurbanne, à Hakone (Japon), à Quito (Équateur), en Principauté d’Andorre, à Taïwan, à Dubaï, à Porto-Rico…

guy de rougemont - environnement pour une autoroute 1967

ROUGEMONT
Environnement pour une autoroute, détail, 1970 Autoroute A4, France

guy de rougemont - totem villeurbanne

ROUGEMONT
Totem, 1981
Place Albert Thomas, Villeurbanne, France

Or Rougemont refuse les étiquettes. Ses amitiés et ses rencontres dépassent le cadre des mouvements et des groupes artistiques. À New York en 1965-1966, l’artiste peintre Rougemont rencontre Andy Warhol et Robert Indiana. À Paris, en pleine révolution sociale et culturelle de Mai 68, Rougemont, artiste engagé, fait la connaissance de Gilles Aillaud et surtout d’Eduardo Arroyo, un ami très proche, des rencontres qui le rapprochent du mouvement de la Figuration narrative ; c’est aussi Vincent Bioulès pour le groupe Support-Surface, entre autres. Mais sa révolution artistique, Rougemont la mène seul. L’œuvre du peintre Rougemont découle de cette ambiguïté : porosité au contact des grands mouvements de la seconde partie du XXe et parti pris d’un artiste qui est, ou se veut, « cavalier seul », selon l’expression d’Adrien Goetz. Œuvre abstraite complexe ; il y a peut-être dans la géométrie des formes de Rougemont un écho aux œuvres de Jean Dewasne, maître de l’abstraction constructive.

jean dewasne - huit et demi 1968

JEAN DEWASNE
Huit et demi, 1968
Peinture glycérophtalique sur mélaminé
162 x 244 cm
Musée d’Art moderne de Paris, Paris

Le peintre Rougemont émet aussi un autre souhait, celui de décloisonner les disciplines artistiques. Académicien, il défend cette idée au sein de la prestigieuse institution. Pour lui, l’art est un tout. Rougemont parvient alors à la symbiose des arts : avec lui, peinture, sculpture, art monumental et arts décoratifs forment un tout, un univers à part entière. Et Renaud Faroux d’écrire : « Guy de Rougemont a inventé une galaxie faite de formes cylindriques, d’ellipses, de totems, de lignes serpentines qui proposent une symbiose polychrome entre le Minimalisme et le Pop Art ».

guy de rougemont - 4 volumes 1967

ROUGEMONT
4 volumes, 1967
Bois laqué
120 x 120 x 80 cm
Pièce unique

JEUNESSE ET FORMATION DE ROUGEMONT

L’artiste peintre et sculpteur Rougemont naît à Paris en 1935. Il compte parmi ses aïeuls le Général baron Lejeune, le seul peintre de batailles sous Napoléon Ier. À 16 ans, il passe avec sa famille une année à Washington D.C. où son père, officier, est nommé au Pentagone dans le cadre du Pacte Atlantique. Rougemont suit ensuite les cours de l’École supérieure des arts décoratifs de Paris, de 1954 à 1958, où il est l’élève de Marcel Gromaire : auprès de cet artiste post-cubiste, Rougemont apprend déjà que « toute droite doit être compensée par une courbe et vice-versa » (Jérôme Bindé). Alors étudiant, Rougemont participe à l’exposition Découvrir à la Galerie Charpentier en 1955, au Prix Othon Friesz en 1956 et au Prix Fénéon en 1957. Rougemont obtient ensuite une bourse d’État pour aller étudier à la Casa de Velázquez de Madrid : il y reste de 1962 à 1964. À Madrid, Rougemont poursuit sa formation, s’imprègne du « curviligne baroque » (Dominique Le Buhan), alimente son réservoir de formes futures. Rougemont y rencontre, entre autres, les artistes Jean Degottex, Jean Dupuy et Manuel Viola.

guy de rougemont - sur le toit de l atelier rue des quatre fils 1972

Sur le toit de l’atelier, 1972
De gauche à droite,
debout : Pierre Baudard, Rougemont, Christian Gadras ; assis : José Alvarez, Merri Jolivet, Éric Seydoux, Jacques Pesant, X., Philippe Denis

SÉJOUR À NEW YORK : RENCONTRE AVEC LE POP ART ET LE MINIMALISME AMÉRICAIN

La première exposition personnelle du peintre Rougemont a lieu outre-Atlantique aux D’Arcy Galleries à New York en 1962. En 1965, Rougemont retourne aux États-Unis et passe un an à New- York. Rougemont y rencontre Andy Warhol et Robert Indiana. C’est au contact des artistes américains et du Minimalisme que Rougemont s’ouvre à la peinture acrylique grand format, mesure la force des formes simplifiées, épurées et de la puissance de la couleur en aplat. En 1966, une deuxième exposition personnelle lui est consacrée à New York, à la Byron Gallery. Comme le souligne Arnaud d’Hauterives, secrétaire perpétuel de l’Institut de France lors de la réception de Rougemont sous la coupole, quelques décennies plus tard : « Ce séjour sera pour vous une révélation, vous y recevez la « véritable leçon » des grands peintres français que vous admirez, Léger, Matisse, Bonnard, revus par un autre œil, c’est-à- dire décantés de toutes les apparences. » De retour en France, c’est donc tout naturellement que Rougemont assimile les apports de la peinture américaine et l’héritage des grands maîtres français.

RENCONTRE DE L’AUTOMOBILE ET LA PEINTURE, PREMIÈRE EXPÉRIENCE D’UN ENVIRONNEMENT ARTISTIQUE POUR ROUGEMONT

De retour à Paris et à la demande de son ami Gérard Gaveau, responsable de la publicité pour les automobiles Fiat, Rougemont crée en 1967 son premier environnement artistique personnel qui se tient dans le hall Fiat des Champs-Élysées à Paris. Dans ce lieu insolite et par une scénographie éphémère, Rougemont montre ses toiles récentes de grand format. Parti pris audacieux, l’art du peintre Rougemont se frotte, dans le sillage de Balla et du Futurisme italien, au design de l’industrie automobile. Cela « avait été un premier coup de maître » décrit Adrien Goetz : « il avait installé des œuvres au milieu des voitures, en majesté, sur les Champs Élysées, première tentative d’inscrire l’art dans la vie des passants, de s’adonner à ce goût des grands espaces, de mêler l’intérieur et l’extérieur. » Et Renée Beslon-Degottex d’ajouter : « Il s’agissait de voir si, confronté à la perfection d’un objet fabriqué, jouissant du prestige et des avantages d’une haute technique industrielle et de la séduction de luxueux matériaux, le tableau, pauvre dans son matériau, châssis de bois, toile écrue par larges endroits apparents, pauvre dans sa technique artisanale, pouvait encore « tenir »».

guy de rougemont - rencontre de l automobile paris 1967

Rencontre de l’automobile et la peinture
Hall Fiat, Champs-Élysées, Paris, 1967

ROUGEMONT ET LES VOLUMES

C’est dans ce contexte d’expérimentation artistique et dans cette ébullition créatrice des années 1960 que l’artiste Rougemont explore ses premiers volumes polychromes : ce sont le résultat direct de la projection de ses toiles sur une surface en trois dimensions. Ce sont le résultat aussi d’une réflexion plus générale sur l’objet sculpture fait de matériaux usuels, voire industriels. Rougemont plasticien joue avec les formes, les volumes. Il y a dans son nouveau travail un écho aux sculpteurs-plasticiens du Pop Art : Robert Indiana entre autres, et à ceux du Minimalisme américain : Donald Judd, Carl André, Robert Morris… Rougemont radicalise, épure les formes mais opte pour la couleur : il travaille alors l’aluminium laqué blanc, ponctuellement rehaussé de couleur. Ces Volumes seront présentés lors d’une exposition personnelle à la Galerie Suzy Langlois à Paris en 1969.

donald judd - sans titre 1991

DONALD JUDD
Sans titre, 1991
Aluminum laqué
150 x 750 x 165 cm
The Museum of Modern Art, New York

robert indiana - love 1976

ROBERT INDIANA
Love, 1976
Sculpture monumentale
Philadelphie

guy de rougemont - exposition galerie suzy langlois paris 1969

ROUGEMONT
Volumes en carton laqué, 1969
Exposition Galerie Suzy Langlois, Paris

VOLUME (1967), PIÈCE UNIQUE DE ROUGEMONT

Le Volume de 1967 ici présenté, pièce unique et historique, est un témoignage direct de ce travail fondamental du peintre Rougemont : cette grande sculpture en aluminium blanc joue sur l’exploration de l’espace et sur sa fonction : dressé sur une arrête, il est une sculpture d’1 m 50 de haut ; couché sur le flanc, il prend des allures de table-sculpture, déjà un prélude à sa Cloud table devenue légendaire, cette futur table-sculpture dessinée puis créée en 1970 à la demande d’Henri Samuel, célèbre designer français. Une approche ludique aussi de cette réflexion sur la forme et l’espace.

guy de rougemont - cloud table 1971

ROUGEMONT
Cloud table, 1971 ca.
Laiton et plexiglas
46 x 140 x 111 cm

guy de rougemont - volume 1967 sculpture

ROUGEMONT
Volume, 1967
Aluminium & laque
H 150 x L 80 x P 50 cm
Pièce unique
Galerie Diane de Polignac, Paris

Ce Volume de 1967 fait l’objet d’une exploration de la forme : de forme libre, ce Volume oscille entre ligne droite et courbe, sans que le coin ne soit définitivement anguleux. Ce Volume historique suggère alors deux futures formes de prédilection de l’artiste peintre Rougemont : la courbe, qui appelle l’ellipse puis la ligne serpentine et la droite qui invite Rougemont à travailler sur le cylindre et la surface tramée.
Quant à la couleur, elle vient comme sur ses toiles des années 1960, ponctuer la surface et la forme : des touches de vert, de noir, de jaune et d’orange ornent le Volume, comme des phases visibles et cachées d’un objet d’art qui se dévoile par morceau et invite le spectateur à tourner autour, à interagir avec.

Œuvre fondamentale dans la création de Rougemont, ce Volume de 1967 est à la source de son travail d’exploration de la forme géométrique qui emmènera Rougemont de l’ellipse au cylindre, puis de la surface tramée à la ligne serpentine. Un Volume qui découle avant tout d’un travail de peintre. Et l’artiste de rappeler : « On ne passe pas impunément du plan au volume, de l’objet au monumental, sans qu’un jour tout cela ne se fonde en une seule et même pratique. Je suis peintre : ma sculpture, mes meubles, mes tapis sont d’un peintre… »

Astrid de Monteverde
© Astrid de Monteverde / Galerie Diane de Polignac, 2021

guy de rougemont - peinture sans titre 1965

ROUGEMONT
Sans titre, 1965
Peinture vinylique sur toile, 146 x 97 cm
Galerie Diane de Polignac, Paris

guy de rougemont - peinture oui 1965

ROUGEMONT
Oui, 1965
Peinture vinylique sur toile, 145 x 90 cm
Galerie Diane de Polignac, Paris

Galerie d’Art Diane de Polignac » Les newsletters » Newsletter l’Art vient à vous N° 14 Rougemont Volume 1967