Il y a chez l’artiste peintre Rougemont une recherche constante de la forme et de son évolution dans l’espace. Après l’ellipse, le cylindre et la surface tramée, c’est la ligne serpentine qui depuis les années 2000 est pour Rougemont le vecteur de ses déambulations artistiques. Cette ligne souple, sinueuse, glisse sur le papier et permet à l’artiste d’explorer les effets de la couleur, de l’ombre et de la lumière.
Cet académicien pluridisciplinaire élu dans la section Peinture, est avant tout un peintre, un peintre, sculpteur et designer pour qui tout commence par le papier. C’est en effet à partir de la surface plane du papier que l’artiste va anticiper le volume.
Avec le peintre Rougemont, l’aquarelle sur papier est une première mise en perspective. Chaque aquarelle dévoile au spectateur la genèse de la création de l’artiste. La liberté permise par le papier invite en effet Rougemont à se projeter dans une échelle plus grande, voire monumentale, que ce soit en peinture (fig. 1) ou en sculpture (fig. 2). Sorte de modello, l’aquarelle concrétise l’idée, fait confronter les formes et les couleurs.
Dans cette série d’aquarelles, l’artiste peintre Rougemont explore tour à tour les effets de la lumière sur la couleur : c’est la fenêtre qui offre une percée, une ouverture sur l’extérieur (fig. 3) ; c’est l’aquarelle et son ombre, ou son double, qui se font face (fig. 4) ; c’est un morceau de vitrail qui fait vibrer les couleurs et joue sur les effets de transparence (fig. 5). C’est toujours un éclat de lumière dans un enchantement de couleurs, comme la décomposition de la lumière à travers un prisme.
C’est aussi la projection vers la troisième dimension. Sur le papier se dressent des formes majestueuses, frontales, qui se découpent fièrement telles une forêt de formes imbriquées. Plantées dans son décor, ces sculptures en puissance s’enracinent sur le papier, laissant leurs ombres prolonger leur image : c’est la sculpture et son reflet … dans l’obscurité ou la clarté (fig. 6 & 7). C’est aussi la naissance des formes libres que le peintre Rougemont utilise dans le design (fig. 8).
Sur le papier, Rougemont ordonne ses idées, définit son cadre : les marges, les annotations au crayon sont les indicateurs de ce travail de réflexion, d’anticipation. Ce travail sur papier, libre et spontané, n’en reste pas moins une œuvre à part entière : un univers est créé, harmonieusement orchestré. D’ailleurs l’artiste se laisse la liberté d’interpréter l’aquarelle sur grand format : les couleurs peuvent être modifiées, l’ensemble réajusté.
Obsession de la forme, appétit pour la couleur. Dans les aquarelles du peintre Rougemont, la couleur est souveraine. Le prisme chromatique se déploie sur toutes ses gammes. Palette solaire et palette sombre s’affrontent, entre ombre et lumière. Roses acidulés et jaunes stridents côtoient bleu acier, brun, vert anglais. Couleur franche, diluée, aquarellée, elle vient alors structurer l’espace. Dans le sillage des avant-gardes, tels Paul Gauguin et Henri Matisse, l’artiste peintre Rougemont s’inscrit aussi comme peintre de la couleur.
Rappelons ici le propos d’Arnaud d’Hauterives, secrétaire perpétuel de l’Institut de France lors de la réception de Rougemont sous la coupole : « Ce séjour [aux États-Unis] sera pour vous une révélation, vous y recevez la ‘véritable leçon’ des grands peintres français que vous admirez, Léger, Matisse, Bonnard, revus par un autre œil, c’est -à- dire décantés de toutes les apparences. » Des couleurs vives des tableaux de Paul Gauguin aux papiers découpés de Matisse, les aquarelles de Rougemont sont une invitation au rêve pour des échappées aux couleurs du Midi, à travers la fenêtre (fig 9). De cette symphonie de couleurs jaillit alors la lumière. Et comme le remarquait à juste titre Goethe, théoricien d’art : « La clarté, c’est une juste répartition d’ombres et de lumière. »
À travers ses aquarelles sur papier, Rougemont anticipe son travail sur le volume et le monumental, que ce soit en peinture, en sculpture ou en design. Toute la palette du prisme chromatique y est utilisée permettant à l’artiste d’explorer les effets de l’ombre et de la lumière.
Astrid de Monteverde
© Galerie Diane de Polignac/ Astrid de Monteverde, 2021
© ADAGP, Paris 2020