La peinture abstraite de l’artiste Jean Miotte est construite par son geste spontané, mis en valeur par l’espace qui l’entoure. À travers son œuvre, l’artiste pose la question du vide qui apporte toute sa force au mouvement pictural.
Dans les années 1950, les éléments constitutifs du tableau sont nombreux chez le peintre Jean Miotte. Les larges empâtements de couleurs sont appliqués au couteau et serrés les uns contre les autres. Peu de place laissé au vide, comme si l’espace de la toile se resserrait pour rassembler les éléments en son centre. Les couleurs sont nombreuses dans des compositions agitées et nerveuses. La matière prend le dessus sur l’espace, elle envahit tout. La peinture se crée avec elle-même.
À la fin des années 1960, l’œuvre du peintre Jean Miotte évolue de façon radicale. On peut imaginer que la confrontation avec la peinture américaine y est pour quelque chose. Jean Miotte rencontre le peintre Sam Francis en 1952 avec lequel il exposera plusieurs fois. On peut citer également l’exposition Cinquante ans d’art aux États-Unis en 1955, l’exposition Jackson Pollock et la nouvelle peinture américaine en 1959 et enfin la rétrospective Franz Kline en 1964, toutes trois présentées au Musée d’Art moderne de Paris. Enfin, Jean Miotte séjourne pour la première fois aux États-Unis en 1961 à la suite de la réception du Prix de la Ford Foundation. La peinture contemporaine américaine apporte ainsi un nouveau souffle d’inspiration à l’artiste Jean Miotte. Cela se traduit par une peinture plus minimale dans laquelle le vide va prendre une place importante. On pense alors aux empty canvas de Sam Francis de la même époque.
Cet intérêt pour le vide s’illustre de façon très personnelle chez Jean Miotte. L’artiste décide de laisser la toile de lin brute. Elle n’est plus recouverte de préparation blanche. Sa couleur écrue est apparente et fait partie de la composition. Sur cette toile neutre est placé un geste rapide et spontané à la brosse. Ce nouveau rapport à l’espace ne serait-il pas un hommage à la « découverte des grands espaces américains » évoquée par l’artiste lui-même ? Il faut également souligner que le rapport à l’espace est transformé dans la vie même de Jean Miotte. Après ce premier voyage aux États-Unis, les déplacements vont se succéder outre-Atlantique mais également en Asie. Jean Miotte voyage avec facilité et enthousiasme et il est naturel que cela transforme sa peinture.
LE FOND BLANC
Le vide prend ainsi plus de place dans les œuvres de Jean Miotte. Le fond devient blanc, un blanc pur qui offre un fort contraste avec les couleurs et les brosses noires. Le blanc rayonne et efface les limites. Il ouvre les œuvres et les éclaire. Les caractéristiques physiques des couleurs sont importantes dans la composition des œuvres. Dans la synthèse additive, toutes les couleurs mélangées donnent du blanc. Dans la synthèse soustractive, toutes les couleurs mélangées donnent du noir. Ces observations scientifiques marquent les artistes du XXe siècle qui considèrent alors les tableaux noirs et blancs comme les œuvres les plus colorées possible.
Cet espace blanc accueille ainsi le signe et les couleurs. Le peintre inscrit son geste dans une étendue. Cette démarche est parfaitement illustrée dans le film Jean Miotte, Espace secret tourné par Gérard Langevine
Le peintre Jean Miotte est connu pour son geste libre et spontané. En plaçant ce geste au sein d’un espace minimal, il lui apporte encore plus de force et d’expressivité. La brosse noire, qu’elle soit à l’encre sur papier ou à la peinture sur toile, prend un aspect monumental.
Texte : Mathilde Gubanski
© Mathilde Gubanski / Galerie Diane de Polignac