Le peintre Gérard Schneider a plus de 80 ans lorsqu’il commence à créer ses grands papiers de 150 x 150 cm. Sa peinture, toujours aussi lyrique, mêle alors le geste puissant des années 1950 aux couleurs éclatantes des années 1970.
Dans les années 1970 et 1980, les expositions consacrées à l’artiste Gérard Schneider sont toujours aussi nombreuses. En 1975, il remporte le Grand Prix National des Arts remis par le ministère de la culture. En 1983, une rétrospective est organisée à l’initiative de Pierre von Allmen, conservateur au Musée d’Art et d’Histoire de Neuchâtel. Il témoigne : « Lorsqu’en 1982 je rencontrais Gérard Schneider pour la première fois dans sa maison de campagne, à l’orée de la forêt de Fontainebleau, mon émerveillement fut immédiat. L’œuvre de ce génie qui a contribué à bouleverser le signe dans la peinture mondiale ne cesse de m’enchanter. » Cette exposition sera également présentée au Musée d’Art Contemporain de Dunkerque.
Toujours en 1983, la ville de Paris décerne à l’artiste Gérard Schneider la Grande Médaille de vermeil. Enfin, l’artiste présente de grandes œuvres sur papier lors de la FIAC. Ces œuvres ont été commandées par le galeriste Patrice Trigano qui avait été marqué auparavant par les grands papiers de Willem de Kooning vus à Chicago.
La question de la peinture murale et du grand format se pose très tôt dans la carrière du peintre Gérard Schneider. Il s’inscrit à 14 ans aux cours de dessin d’Alfred Blailé, peintre décorateur à Neuchâtel, qui lui apporte le goût de la peinture murale et des grands espaces à peindre. Gérard Schneider apprend ensuite les techniques de peinture sur émail. Il peint également des décors de théâtre à Genève et à Zurich. À 20 ans, Gérard Schneider intègre l’École nationale supérieure des Arts décoratifs à Paris. Il poursuit ainsi une carrière de peintre de décors dans les années 1920.
PEINDRE LES GRANDS PAPIERS
La commande de 1983, exposée à la FIAC sur le stand de la Galerie Patrice Trigano, encourage le peintre Gérard Schneider à renouveler sa pratique artistique. En effet, lui qui ne peignait plus de grand format sur toile à cause de l’arthrose et des opérations chirurgicales, doit trouver une nouvelle façon de travailler. Gérard Schneider demande ainsi pour la première fois à son épouse, l’artiste Loïs Frederick, de l’assister dans sa peinture. Elle prépare les couleurs, change l’eau, rince les brosses… Schneider, qui se déplace alors grâce à deux cannes, peint les papiers à plat sur une table. Il se tient d’une main et peint avec l’autre. Schneider applique la brosse de manière très rapide sur un papier mouillé. Il peint « dans le frais » comme on peint une fresque, a fresco. Cette technique de peinture murale consistait à travailler zone par zone (par giornata) dans un enduit frais afin que, en séchant, l’enduit emprisonne les pigments. La connaissance des techniques de peinture murale inspire ainsi Gérard Schneider pour la réalisation de ses grandes œuvres sur papier. Loïs Frederick raconte : « Ce fut extraordinaire ! Cette exposition eut un énorme succès. Ce travail du peintre Gérard Schneider, très libre, très éclatant, très expressif, fut particulièrement bien reçu ».
Durant ces ultimes années, l’artiste peintre Gérard Schneider nous donne à contempler un épilogue lyrique et majestueux à sa création, toujours mue par « la nécessité de créer un art absolument autonome, une création instinctive et intuitive ». Magistral « chant du cygne », ces grands papiers sont des abstractions pures : « l’expression de l’artiste par laquelle il objective ses émotions ».
Texte : Mathilde Gubanski
© Mathilde Gubanski / Galerie Diane de Polignac