L’ART VIENT À VOUS N°27

BERNARD BUFFET
& Le bestiaire

bernard buffet - peinture orang outan 1997 newsletter l art vient a vous 27

BERNARD BUFFET
Orang-outan – 1997
Huile sur toile, 162 x 130 cm
Galerie Diane de Polignac, Paris

La figure animale traverse de part en part l’œuvre colossale de Bernard Buffet. Lui qui dès l’enfance excellait en sciences naturelles, allie la prouesse technique du dessin à son style anguleux pour dépeindre à travers le milieu animal l’âme humaine, ses sentiments et ses vicissitudes.

AU-DELÀ DE LA NATURE MORTE

Dès les premières œuvres de Bernard Buffet et dans le style misérabiliste des années 1940 marquée par une palette restreinte aux tons sourds et une économie de moyens, la figure animale occupe le champ pictural de Bernard Buffet. Protagonistes des premières natures mortes, les animaux sollicités, tels Le coq mort ou Le Lapin écorché mettent en scène de manière crue la pauvreté et le dénuement. Ces bêtes décharnées réduites à leurs états de carcasses renforcent l’état de désespoir qui se dégage de ces natures mortes, exhibant une solitude et une pauvreté cruelles, et provoquent chez le spectateur malaise et pitié. En peignant l’animal dépecé, l’artiste vient sonder les turpitudes de l’âme.

bernard buffet - peinture le coq mort 1947 newsletter l art vient a vous 27

BERNARD BUFFET
Le coq mort, 1947
Huile sur toile, 97 x 114 cm
Centre national des arts plastiques, en dépôt au
musée Cantini, Marseille

bernard buffet - peinture nature morte au lapin écorché 1949 newsletter l art vient a vous 27

BERNARD BUFFET
Nature morte au lapin écorché, 1949
Huile sur toile, 96 x 94 cm
Stiftung Im Obersteg, en dépôt au Kunstmuseum Basel

Dans le sillage d’un Jean-Baptiste Siméon Chardin, Bernard Buffet sait aussi mettre majestueusement en scène le règne animal. Le milieu aquatique l’intéresse particulièrement. Bernard Buffet dédiera d’ailleurs tout un cycle de peintures sur le thème de Vingt mille lieues sous les mers de Jules Verne. Parmi tant d’autres, le sujet de la raie est souvent employé, décliné dans des styles différents, d’une grande économie de moyens à un style plus expressionniste, au graphisme appuyé. L’animal devient le seul protagoniste, occupant intégralement la surface du tableau dans le tableau Les Deux Raies.

jean simeon chardin - peinture la raie 1728 newsletter l art vient a vous 27

Jean-Baptiste Siméon Chardin
La Raie, 1728
Huile sur toile, 114 x 146 cm
Musée du Louvre, Paris

bernard buffet - peinture les deux raies 1963 newsletter l art vient a vous 27

BERNARD BUFFET
Les Deux Raies, 1963
Huile sur toile, 200 x 300 cm
Collection fonds de dotation Bernard Buffet, Paris

LE BESTIAIRE COMME PERSONNIFICATION

Bernard Buffet utilise aussi la figure animale pour personnifier un sentiment, un état d’âme, un comportement humain. Tels de véritables portraits, les animaux de Bernard Buffet sont peints tels des personnes dans ses peintures. Du plus petit insecte aux plus gros mammifères, c’est tout le milieu animal qui est exploré.

Dans l’esprit cabinet de curiosité, papillons et autres insectes épinglés, oiseaux empaillés et squelettes de poisson se déclinent sur différentes tailles, brouillant les échelles et les ordres de grandeur. L’artiste confesse d’ailleurs : « La passion des insectes m’a pris quand je suis entré en sixième, au lycée Carnot à Paris. Je la dois à mon professeur de sciences, Jean Roy : le jeudi, il m’emmenait au Muséum. » Cette passion conduisit même l’artiste à y consacrer toute une exposition intitulée Le Muséum de Bernard Buffet à la Galerie David et Garnier à Paris en 1964, réitérant son attachement pour ce sujet déjà présenté lors de l’exposition de dessins Le Bestiaire à la Galerie Visconti à Paris en 1954.

Tout au long de son œuvre, Bernard Buffet a décliné la figure animale dans ses tableaux. Loin d’un Albrecht Dürer
et de son style naturaliste, les animaux de Bernard Buffet sont traités dans une veine expressionniste, brossant en quelques coups de pinceau les caractéristiques majeures de chaque espèce.

albrecht durer - aquarelle chouette effraie 1508 newsletter l art vient a vous 27

Albrecht Dürer (1471-1528)
Chouette-effraie, 1508
Aquarelle et encre noire sur
papier, 28,8 x 15 cm
Musée Albertina, Vienne

bernard buffet - lithographie le petit duc 1984 newsletter l art vient a vous 27

BERNARD BUFFET
Le Petit Duc, 1984
Lithographie en couleurs
sur Vélin d’Arches
76 x 57 cm

LE BESTIAIRE COMME ALLÉGORIE

Sur un fond neutre, uni, l’animal se détache magistralement. En brouillant les échelles et en confrontant les tableaux entre eux, Bernard Buffet renverse également les attributs et les associations d’idées que l’on peut y associer. En peignant et individualisant insectes et grands mammifères, l’artiste les met d’emblée sur un pied d’égalité. Aussi élégante que majestueuse, la libellule avec ses pattes longues et effilées fait figure de force, malgré sa taille, petite et fragile. À l’inverse l’éléphant, balourd et hommasse, traité par un graphisme rond et des formes enveloppantes, semble doux et inoffensif. Le loup, tête en avant et pattes écartés, est prêt à bondir sur sa proie, rusé et opportuniste. Quant aux Deux boucs, leurs regards durs et leurs cornes arquées reflètent colère et irascibilité.

bernard buffet - peinture libellule 1957 newsletter l art vient a vous 27

BERNARD BUFFET
Libellule, 1957
Huile sur toile, 78 x 90 cm / 30.7 x 35.4 in.
Galerie Diane de Polignac, Paris

bernard buffet - peinture elephant 1997 newsletter l art vient a vous 27

BERNARD BUFFET
Eléphant, 1997
Huile sur toile, 81 x 116 cm
Galerie Diane de Polignac, Paris

bernard buffet - peinture loup 1997 newsletter l art vient a vous 27

BERNARD BUFFET
Loup, 1997
Huile sur toile, 73 x 100 cm
Galerie Diane de Polignac, Paris

bernard buffet - peinture deux boucs 1987 newsletter l art vient a vous 27

BERNARD BUFFET
Deux boucs, 1987
Huile sur toile, 72 x 93 cm
Galerie Diane de Polignac, Paris

MES SINGES, LES BESTIAIRE HUMANISÉ , GALERIE D’AUTOPORTRAITS ?

La dernière exposition à laquelle Bernard Buffet assiste s’appelle Mes Singes. Cette série thématique qui est présentée en 1999 à Paris renoue avec le goût de Bernard Buffet pour la peinture animalière. C’est toute une galerie de plusieurs dizaines de singes en tous genres: chimpanzé, gibbon, gorille, orang-outan, hurleur, macaque… que l’artiste présente alors. Peints de face ou de trois quarts, ces animaux arborent une palette d’expressions mêlant mélancolie, tristesse et désespoir. Ils rappellent étrangement la série des clowns si caractéristiques dans l’œuvre de Buffet. Or rien de clownesque ni de drolatique ni dans ces personnes scéniques ni dans ces animaux. Ces expressions simiesques sont le reflet de l’âme humaine et de ses tourments. En fixant le spectateur, ils incitent ces derniers à s’interroger sur eux mêmes. Ils rappellent également les singeries de Jean-Baptiste Siméon Chardin dans lesquelles l’animal singe l’homme. De la même manière que Bernard Buffet s’identifiait à ses clowns, faut-il voir dans cette galerie simiesque une autre galerie d’autoportraits ? En utilisant l’adjectif possessif dans l’intitulé de cette série, l’artiste nous donne une clé de lecture.

jean baptiste chardin - peinture le singe peintre 1739 1740 ca newsletter l art vient a vous 27

Jean-Baptiste Siméon Chardin
Le singe peintre, vers 1739-1740
Huile sur toile, 73 x 59,5 cm
Musée du Louvre, Paris

Caractéristiques des dernières œuvres de l’artiste, ce  singes sont traités dans le style expressionniste : une peinture forte et triviale, travaillée au doigt ou avec le manche du pinceau, qui rappelle le bad painting développé dans les années 1980.

bernard buffet - peinture gibbon 1997 newsletter l art vient a vous 27

BERNARD BUFFET
Gibbon, 1997
Huile sur toile, 195 x 130 cm
Galerie Diane de Polignac, Paris

bernard buffet - peinture orang outan 1997 newsletter l art vient a vous 27

BERNARD BUFFET
Orang-outan, 1997
Huile sur toile, 162 x 130 cm
Galerie Diane de Polignac, Paris

En utilisant la figure animale, Bernard Buffet brosse les travers et les états d’âme du genre humain. Une manière pour Buffet de s’interroger sur l’homme mais aussi de nous livrer une partie de lui-même. Une double clé de lecture qui continue de nous questionner.

Texte : Astrid de Monteverde
© Astrid de Monteverde / Galerie Diane de Polignac

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